Les 12 et 13 octobre derniers s’est déroulé le Forum biodiversité et économie à la Cité des sciences à Paris. Cet événement, organisé par l’Office français de la biodiversité, a réuni plus de 725 professionnels de la biodiversité et du monde des entreprises. De nombreux ateliers se sont tenus à cette occasion, dont deux organisés par le centre de ressources Trame verte et bleue : "Infrastructures linéaires de transport : tour d’horizon des bonnes pratiques en faveur des continuités écologiques" et "Agir contre la pollution lumineuse : passer de la sobriété énergétique à la sobriété lumineuse". En voici la synthèse.
Les infrastructures linéaires de transport des personnes, des marchandises ou d’énergie présentent de nombreux impacts sur les milieux naturels comme rappelé par Fabien Paquier (OFB). Mais les gestionnaires d’infrastructures se mobilisent pour réduire les impacts des infrastructures en place, routes, voies ferrées et lignes électriques par exemple, et rendre les dépendances vertes de ces infrastructures plus favorables à la biodiversité. Le projet européen BISON, qui mobilise les acteurs de 16 pays sur le sujet, vise à capitaliser les connaissances techniques et scientifiques sur la prise en compte de la biodiversité dans les infrastructures de transport.
Lisa Garnier a présenté les actions de RTE, gestionnaire de 100 000 km de lignes, dont 15 000 km traversent des espaces protégés, électriques et de 400 000 hectares. Les actions présentées lors de l’atelier portent sur l’évolution des pratiques de gestion sous les lignes électriques pour un maintien d’une végétation basse. Le projet BELIVE (Biodiversité sous lignes par la valorisation des emprises) concerne notamment 325 ha à travers la France. Dans le Parc naturel régional des Ardennes, il a conduit à la gestion de milieux intéressants pour la biodiversité comme des prairies, de fauche ou pâturées, ou des pelouses calcicoles.
Pierre Billet a présenté les actions en matière de gestion alternative aux phytosanitaires de GRTGaz, gestionnaire de 325 000 km de canalisations enterrées et de près de 10 000 installations de surface. Il a également présenté le Club infrastructures linéaires et biodiversité (CILB) qui réunit 10 grandes gestionnaires d’infrastructures autour du partage des connaissances et de l’investissement dans la recherche.
Anne Guerrero de la SNCF a enfin présenté les actions de ce gestionnaire de 32 000 km de lignes historiques et de plus de 3000 gares dans un contexte de modernisation du réseau. Les actions menées concernent le traitement d’ouvrages faisant obstacle à l’écoulement sur certains cours d’eau, à la gestion alternative aux phytosanitaires et la mise en œuvre d’un schéma directeur dédié à la faune sauvage pour réduite le nombre de collisions. Cela conduit notamment à la mise en œuvre d’expérimentations et de travaux de recherche, par exemple sur l’effarouchement acoustique des grands mammifères terrestres.
Enfin, une présentation a été faite de l’initiative Transport4nature, visant à créer une dynamique européenne pour accélérer les actions concrètes des entreprises européennes d'infrastructures de transport en faveur de la biodiversité grâce à un cadre d'engagement qui s’intègre dans la démarche Act4nature.
La lumière artificielle génère une pollution qui présente de nombreux impacts sur la biodiversité, comme cela a été rappelé par Fabien Paquier (OFB) en introduction. En effet, 28 % des espèces de vertébrés et 64 %% des espèces d’invertébrés vivent partiellement ou exclusivement la nuit. Cette pollution lumineuse perturbe les cycles biologiques des espèces nocturnes, mais aussi des espèces diurnes pour qui la phase d’obscurité est nécessaire au repos. Mais sobriété énergétique et sobriété lumineuse ne sont pas synonymes. Il existe en effet des solutions technologiques plus économes en énergie qui, directement ou indirectement, conduisent à une augmentation de la pollution lumineuse. C’est notamment le cas des LED, dont le déploiement s’accompagne malheureusement bien trop souvent d’une augmentation du nombre de points lumineux sous couvert de moindre consommation énergétique. De plus, ces lampadaires sont susceptibles d’émettre une plus grande quantité de lumière et peuvent comporter généralement un pic de lumière bleue particulièrement néfaste pour les animaux. Qu’il s’agisse de l’éclairage public, des bâtiments administratifs, des particuliers ou des entreprises, chacun peut agir contre ce type de pollution qui s’accroit d’année en année.
Maxime Colin de France nature environnement Île-de-France a rappelé la réglementation. S’agissant des entreprises notamment, commerces et bureaux, la réglementation en faveur de la lutte contre la pollution lumineuse existe depuis une décennie : concernant les magasins, les enseignes et les vitrines doivent être éteintes au plus tard à 1h du matin, ou 1h après la cessation d’activité ; et les bureaux doivent être éteints 1h après la fin d’occupation. Un récent décret, datant du 5 octobre 2022, a étendu l’obligation d’extinction des publicités lumineuses entre 1h et 6h du matin à l’ensemble du territoire (les unités urbaines de plus de 800 000 habitants en étaient auparavant exclues).
Mais la réglementation concernant les commerces n’est pas toujours correctement appliquée. Les premiers résultats d’une étude en cours de sciences comportementales sur l’éclairage nocturne des commerces a fait l’objet d’une présentation par Auriane Bugnet (OFB), Mariam Chammat (Direction interministérielle de la transformation publique) et Claire Dale (Behavioural Insights Team). Il ressort du diagnostic, que pour les commerçant l’éclairage n’est pas un sujet d’intérêt, la réglementation est d’ailleurs souvent méconnue, que l’extinction demande parfois un effort en terme de déploiement de solutions techniques pour la mettre en œuvre, et que le maintien de l’éclairage est considéré comme un vecteur de visibilité commerciale, voire même de sécurité pour le commerce. A cela s’ajoute un manque de volonté des collectivités pour sanctionner. L’étape à venir de cette étude concerne l’analyse d’interventions variées de collectivités sur le terrain pour améliorer le respect de la réglementation par les commerces.
Enfin, Denis Leca, de l’entreprise Storengy de stockage du gaz dans des couches souterraines, a témoigné de son expérience de réduction de la pollution lumineuse sur certains de ses sites d’entreprises implantés en milieu rural, avec des espaces naturels à proximité. Le classement SEVESO de sites et les enjeux de sécurité ont bien été pris en compte dans cette démarche, sans pour autant empêcher de mettre en place de solutions efficaces : horaires d’extinction, abaissement de luminaires, maîtrise du flux lumineux.