La mise en place des politiques successives de protection de la nature, de la faune et de la flore, puis de la biodiversité, s'est largement appuyée sur des listes d'espèces, de milieux puis d'habitats « à protéger ». Les preuves nécessaires à la mise en place de protections adaptées se basaient sur la seule présence des espèces ou des habitats et de l'objectif de la maintenir dans le temps. Mais ces dispositifs se sont révélés insuffisants pour protéger la biodiversité dans son ensemble. Il est apparu que le maintien de populations animales et végétales requiert des possibilités de mouvements entre des habitats où elles peuvent s'éteindre. Malgré les nombreuses incertitudes scientifiques qui demeurent sur ces questions, le principe de la Trame verte et bleue (TVB) a rapidement été mis en place. Et grâce à lui, on assiste à une évolution en profondeur de la question « pourquoi protéger ?». Il s'agit maintenant de protéger et de gérer des processus tels que ceux qui permettent de faciliter les mouvements entre des cœurs de nature, d'assurer une connectivité des paysages entre habitats ou pour des espèces de référence. Il s'agit également d'entretenir ceux qui maintiennent le bon fonctionnement des écosystèmes et qui assurent des services écosystémiques.
Faute de données suffisantes, la définition des trames vertes et bleues n'a pas pu s'appuyer sur des constats réels de déplacements des espèces ou des services fournis par la biodiversité. La mise en évidence de la connectivité est aujourd'hui principalement basée sur des modèles spatiaux. Idéalement, ces modèles devraient rendre compte de processus écologiques, tels que les déplacements d'espèces et de processus sociotechniques, comme l'usage des terres. Mais si l'écologie du paysage a, depuis trente ans, développé des concepts et des modèles de connectivité, les débats existent toujours sur leur validation. Ceci a conduit le Grenelle de l'environnement à ne pas imposer de méthode dans la définition des schémas régionaux de cohérence écologique. C'est pourquoi il faut se saisir les incertitudes existantes pour renforcer le dialogue entre chercheurs et gestionnaires. D'un côté, il est nécessaire d'utiliser des méthodes basées sur la meilleure information scientifique disponible et de garder toutes les traces des débats sur les choix décidés. D'un autre côté, il faut mettre en place des gestions adaptatives, c'est-à-dire des possibilités de faire évoluer les trames au fur et à mesure de l'apport de nouvelles connaissances. Ceci implique que les chercheurs utilisent la TVB comme champ d'expérience pour tester des modèles, comme par exemple, à travers le programme de recherche DIVA. Mais que surtout le dialogue soit continu à toutes les échelles et tout particulièrement sur les territoires des Parc naturels régionaux !
Directeur de recherche INRA
Animateur du programme DIVA (Action Publique, Agriculture, Biodiversité)